Dans ses pièces récentes, performances et films vidéo, Fabienne Berger s’intéresse à la puissance de l’image dans notre environnement contemporain et à son incidence sur notre façon d’habiter le corps. Elle questionne les nouveaux comportements nés de la technologie de communication qui fragmentent notre perception du monde, en plaçant la corporéité au centre de ses interrogations.
Jouant avec les contraires, elle en questionne aussi les liens : faire du mouvement à partir d’images fixes, ou explorer le rapport paradoxal entre écriture et improvisation, entre ce qui est fixe et ce qui est flexible. Cela lui permet de conjuguer le singulier dans le pluriel, d’articuler l’intérieur avec l’extérieur, la verticalité et l’horizontalité, le revers et la face, la fluidité et le fragmenté, la constance et la rupture, la vitesse et la lenteur, le rythme et l’arythmie, l’abstrait et le concret.
Sa danse évolue dans un univers influencé par les arts plastiques où se mêlent intimement musique originale (sons électroniques mixés en direct) et projections vidéo (qui confondent images prises en direct et images enregistrées). Considérée comme singulière, son écriture chorégraphique use de ces mêmes procédés de montage, maniant subtilement les mécanismes de la vision et intégrant le présent sur scène. Bien que fortement écrits, les mouvements ne sont pas reproduits, mais réinterprétés et recomposés un peu autrement à chaque représentation. Elle sollicite ainsi chez le danseur une intelligence de l’écoute dans son rapport à l’autre et à l’environnement. Le geste dansé est formé de trajectoires intérieures, le corps est poreux et la frontière mouvante entre territoire intime et collectif. Avec cette même question récurrente: peut-on embrasser une réalité multiple, tout en restant au centre de sa sensation propre ?
Fabienne Berger puise sa matière chorégraphique dans l’ordinaire ou extraordinaire de l’humain. En véritable « capteur », le corps absorbe son environnement visuel et le restitue dans un collage d’attitudes, de postures et d’impressions. Une démultiplication des gestes qui peu à peu devient une multiplication des identités et sème la confusion dans les repères visuels et de l’espace. Les corps oscillent entre équilibre et déséquilibre selon une technique qui lui est propre , celle du transfert de poids. Cette recherche chorégraphique qui réunit impact visuel et conditionnement intérieur demande une préparation mentale et physique particulière, trouvée notamment dans la méditation et le yoga.